ENQUÊTE CHEZ LES COMPLICATORTS
Avertissement !
Dans mon nouveau roman, paru le mercredi 27 juillet 2016, nous retrouvons Alex et certains personnages de Légendes. A la fin de celui-ci, notre héroïne apprenait une certaine vérité.
Dans le but de ne pas déflorer le suspense, je ne présente donc ici que les premières pages de Enquête chez les Complicatorts. Ne vous inquiétez pas pour les points d'exclamation et autres qui peuvent paraître en début de ligne ci-dessous, dans le texte ; ils paraissent correctement dans la version imprimée de mon roman.
Vous n'avez jamais lu Légendes ? Alors, je vous conseille de le lire en premier en vue de mieux connaître tous les protagonistes ainsi que des événements importants.
Vous avez déjà lu Légendes ?
Sauf si votre lecture est très récente, permettez-moi de vous conseiller de vous replonger dans les aventures de nos héros... Votre lecture de Enquête chez les Complicatorts n'en sera que plus aisée, car des... détails figurant dans Légendes deviennent... capitaux ici !
Chapitre 1
Vendredi 15 juillet
Rouvray, Seine-Maritime, FRANCE
« - Défronce les sourcils, ma belle ! »
Éliane esquissa une grimace propre à dérider tout le monde, sauf elle. Une nouvelle moue porta ses fruits. Alex sourit. Elles avaient près de trente-trois ans. La deuxième possédait des yeux vifs bleu ciel, des cheveux courts châtains, des traits fins dont l’expression révélait le plus souvent sa détermination. La première domptait sa crinière rousse avec un chignon ou des tresses. La frange dévoilait ainsi toujours ses yeux verts. Ses taches de rousseur s’offraient à chaque regard.
« - Tu devrais venir à côté. On s’y amuse beaucoup plus qu’ici !
- Pour eux, oui ! Moi, je m’en vais. Juste le temps de trouver mon Joey !... Veux-tu rentrer avec moi ? »
Bien qu’imposant, Rouvray était un village, avec ses rues pavées, ses maisons typiques normandes, ses remparts. Situé en pleine campagne, à l’écart des nationales, il octroyait un niveau élevé de sécurité : le maire y veillait ! Éliane lorgna vers cette salle et ces… rires... interminables…
« - Allez, je te laisse t’amuser encore ! » comprit Alex.
- C’est vrai que… C’est tellement drôle !... Mais tu reviens dès dimanche à Sotteville ? »
La remarque quasi enchaînée refroidit l’ambiance. Oui, le travail n’attendait point, lui ! Outre son amie, Alex laisserait aussi derrière elle ses grands-parents paternels. Oh ! Sa mauvaise humeur ne la quitterait pas durant ce week-end !
« - Je rentre avec toi, alors. Et Joey. Au fait, il était à côté avec nous justement. Tout le monde l’adore tant ! »
Il était impératif que cette soirée maudite se terminât ! Cette pincée de jalousie s’empara d’Alex. Joey était son fidèle compagnon. Pas question qu’il fût chouchouté par d’autres !!!
Au passage d’Éliane, les clochettes du rideau se balancèrent. La moue aux lèvres, Alex pénétra dans cette pièce de trente mètres carrés. À chaque angle, des statues féminines portaient un instrument de musique. Ce mur, à gauche, était recouvert d’une tenture verte. Des boules dorées encadraient une porte close. Les poutres de chêne soutenaient le plafond. Le parquet brillait. Les battants de la fenêtre aux bords sculptés et pourvus de petits carreaux étaient ouverts sur cette terrasse garnie de géraniums. Cette vingtaine d’hommes et de femmes étaient pourtant tous concentrés au centre de la salle : la plupart debout, quatre filles sur des chaises et les derniers résignés, assis par terre. Résignés ? Non, car de larges sourires éclataient sur leur visage ! Et, à les voir, à les entendre, ils n’étaient pas ivres. Que pensait-elle ! Les entendre ? Non, ils é-cou-taient !!!! Alex joua des coudes. Ce canapé qui trônait était protégé par un tissu noir. En s’approchant, la jeune femme vit des poils blancs crème : SON Joey était bel et bien là. Avec certitude puisqu’elle avait été la seule à emmener son toutou !... Marilou souriait avec retenue. D’habitude, elle était plus expressive ! Comme Franck et Jean-Paul, ils semblaient si intimidés… La queue de Joey apparut et… son cher fox-terrier était vautré contre un corps allongé… Le cœur d’Alex bondit, rebondit. Comment Joey pouvait-il lui faire autant d’infidélités ? Non. Elle allait rugir !!!!! Elle bouscula Luc qui... fut impassible à sa grande surprise. Luc qui n’avait jamais sa langue dans la poche ! Alex atteignait enfin le troisième rang. Oui, tous n’avaient d’yeux que pour le ou la propriétaire de ces cuisses vêtues d’un pantalon noir. Il ou elle tenait à la main un verre de liqueur à moitié empli. Sûr : parler et boire en même temps ! Son auditoire buvait plutôt ses paroles ! Pas elle... Elle, Alex, s’emparerait de Joey et ils quitteraient aussitôt les lieux. Voilà, le deuxième rang ! Cette paume sortait d’une veste noire, avec des fanfreluches blanches. Point de pantalon, plutôt une culotte serrée... noire avec ces bas blancs. Alex était parvenue au premier rang. Personne n’avait prêté attention à son arrivée... Oui, oui, un seul invité captait la considération de tous !!! Et Joey ? Oui, il était affalé, la queue qui battait la mesure, les oreilles dressées. La main droite de cette personne prise par le verre, la gauche caressait, chatouillait son gentil fox-terrier, subjugué... Le cœur de la jeune femme effectua des sauts périlleux, une triple pirouette et… elle-même s’évanouit.
Le silence. Le néant. Alex était allongée sur le dos, les bras le long de son corps. Les yeux fermés, elle tenta de comprendre. Non, le silence ne régnait pas dans la pièce voisine. Des imbéciles ne savaient donc rien de son état. Oui, son état ? Elle remua à peine les jambes : aucune casse. Le point douloureux à sa tête indiquait l’endroit où son crâne avait heurté le parquet... Près d’elle, de très légers murmures. Un homme remercia si bas. Alex saisit à ce linge mouillé sur son front. Son nez lui fournit un indice. Vu le parfum, son infirmière était Éliane.
« - Et si tu lui donnais un peu de liqueur ? » soumit Jean-Paul.
- Non, de l’eau fraîche. Et tamponnez encore ses poignets, ses joues, s’il vous plaît ! »
Non, non, non, non… Non, les kilomètres, les siècles ne pouvaient avoir aucune incidence. Au-delà de tout, cette voix était si identifiable. Le ton très inquiet ne la surprenait pas. Alex crut défaillir. Son cerveau lui indiqua sa contradiction. Plus tôt dans la soirée, elle aurait donné une fortune pour vivre cet instant. Quelle idiote ! Pourquoi ne s’était-elle pas rendue dans la pièce verte ? Ah oui ! Elle était venue... et elle avait perdu connaissance !!!!!
« - Appelons les secours ! »
La suggestion de Jean-Paul ne lui plut pas. Elle voulait rester ici, être avec… Enfin, non, que lui dire ? Sa timidité la reprendrait, encore plus depuis qu’elle savait… Au fait, il ne savait rien. Alors… Sa main droite effleurait un tissu… Alex pensa à la seconde où elle avait repris connaissance au Domaine, quand ses trois hôtes l’avaient menée dans la chambre de Joseph. Non, elle n’était pas au Domaine. Elle se trouvait dans cette pièce verte et, plus exactement, son corps reposait sur le canapé. Hum ! Sa pensée fut identique à celle de jadis : montrer qu’elle était en pleine forme !… Cependant, pour… comment dire ? Non, oui… Oui, autant l’appeler par son patronyme et, sans plus, pour le moment… Un courage monta en elle. Dans un dernier effort, la jeune femme ouvrit un œil, l’autre. Une tempête chaude se colla à son visage. Ses joues furent léchées... Joey ! Elle se sentit si honteuse. Comment avait-elle pu penser à sa trahison ?! Si elle avait réfléchi ! Joey ne l’avait pas abandonnée ; Joey avait retrouvé son meilleur ami !!! Pas étonnant qu’il fût demeuré ainsi là, dans ce paradis !
« - Alex, Alex ! Parle-nous, s’il te plaît ! »
Si Éliane n’était pas Aude, l’empathie était une partie intégrante chez elles. Au Domaine, à son réveil, la nièce de Joseph était assise à sa droite. Aujourd’hui, de façon identique, son amie reprenait ce rôle. Assez furtivement, Alex vit toutes ces jambes : poilues, épilées, fines, épaisses, bronzées, pâles. Des pantalons, des jeans, des jupes de différentes longueurs... Peu importait. Ses yeux se focalisaient sur ces bas blancs. Quand oserait-elle remonter vers ce visage ovale… familier…
« - Alex ! Parle-nous ! »
Sa loyauté envers Éliane lui obtempérait de la rassurer sur-le-champ. Quant à… Oui, cet instant n’appartenait qu’à eux deux. Malgré l’appréhension qui s’imposerait plus tard, Alex n’eut qu’une envie : croiser ce regard, revoir ces traits fins, mais déterminés, ces longues mèches sombres serrées vers la nuque. Les mêmes chaussures noires à boucle, les mêmes bas blancs, cette culotte… noire, la veste assortie, cette chemise… blanche en dentelles avec jabot. Si le col ouvert laissait entrevoir la chaîne en or, ce médaillon si précieux était à l’abri de tous... Oui, un ensemble immaculé porté par un homme de goût. Sa posture - dos bien droit, épaules alignées - renforçait sa haute taille. Allié à son charisme indubitable, il s’imposait avec un naturel déconcertant. Oh ! Même allongé sur le canapé, il les avait tous séduits !!! Là, les doigts de sa main droite, enserrant trop son coude opposé indiquaient toutefois son inquiétude. Dissimulée par le corps de son voisin, la paume gauche exposait sinon cette cicatrice débutant sous l’auriculaire et s’enfonçant sous le poignet de sa manche. Enfin, le regard d’Alex se lia aux prunelles brunes de Monsieur le marquis de Chevreuse. Le large sourire que lui offrit Rodolphe intensifia son émotion et les larmes montèrent à ses yeux.
« - Comment vas-tu ? Veux-tu aller près de la fenêtre ? »
Elle ne comprit même pas les propos de Jean-Paul. La jeune femme était dans son monde, non, dans leur monde, dans leurs souvenirs de leur rencontre au Domaine, de ces péripéties vécues à l’étage, au rez-de-chaussée, à la tour, dans sa chambre, les souterrains... Ces portes secrètes, ces escaliers si sombres, ces embranchements, ces couloirs inaccessibles… et elle songea à Éléonore, à Marie-Solange… Dès lors, son sentiment fut radical. Pour la première fois, ses anciens collègues la virent pleurer.
« - Ma chère Alex, je suis assurément très heureux de vous retrouver aujourd’hui ! »
Rodolphe de Perrigny-Forges, marquis de Chevreuse, s’approcha d’elle et s’inclina. Devant cette considération, les exclamations de surprise retentirent. Alex nota une déception sur les traits de certaines filles. En souvenir de leurs comportements stupides aux bureaux, elle en retira une double satisfaction.
« - Alex, pourquoi as-tu caché que vous vous connaissiez ? »
Ludivine se faisait la porte-parole de cet auditoire abasourdi.
« - Alex et moi-même, nous sommes de… très vieux amis, mais elle sait que je suis également très… casanier… »
Bien sûr, de vieux amis ! De Rodolphe, né en 1759, empêché de sortir d’un château muré depuis le 14 juin 1794 jusqu’à sa rencontre avec Alex un peu plus de deux siècles plus tard, cette réplique était exquise ! Absolument exquise !!! L’instant d’après, la jeune femme s’angoissa de la teneur de ses conversations dans la soirée. Et à la vue des habits de Rodolphe, qu’avaient-ils dit ? Une question la taraudait : depuis quand était-il présent ??????
« - Tu devrais rentrer et te reposer. » intervint Éliane.
L’idée était sage. Le boomerang la percuta aussitôt. Rentrer, oui. Mais Monsieur le Marquis ? Dans la pièce principale, le brouhaha s’était atténué. Trouver la solution à son problème s’imposait. Réfléchir vite et bien. Au fait, comment Rodolphe était-il arrivé là ? S’était-il déplacé de manière automatique depuis son lieu de repos éternel ? Si oui, serait-il bloqué comme au Domaine ?? Ou d’un endroit clé, avait-il marché pour parvenir à la taverne ?? Elle recommençait à se poser mille questions. Stop, Alex ! Stop !
« - Nous terminons la fête ! Il est tard ! » déclara Jean-Paul avant d’ajouter : « Même si nous sommes samedi ! »
Il y eut des approbations et des regrets extériorisés.
« - Vous prenez un taxi, je suppose ! »
Luc avait hélé Rodolphe. Une calèche, plutôt, rectifia Alex en son for intérieur. Assez plaisanté !... Joey s’appuyait contre Monsieur le Marquis qui leva les sourcils.
« - Rodolphe revient avec moi. Nous serons vite à la maison ! »
Pour connaître la suite des aventures d’Alex et de Joey,
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