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La Lettre du Coin des Lecteurs

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Dominique Letellier, auteur





















Le 08 décembre 2018,
parution de mon quatrième roman

entre joyeux lurons, jeu, cinéma de 1930 à 1980,
énigmes, sites emblématiques dans 5 villes uniques
et ECLATS DE RIRE !
Moteur ! Nous jouons !

En 2020, des actions et
nos rencontres !


* Le 20e Salon du Livre et des Cultures
du Luxembourg
à Luxembourg-Ville
(Grand-Duché de Luxembourg)

le samedi 29 février 2020
le dimanche 1er mars 2020




























































































LÉGENDES

Chapitre 1

Mardi 08 juin 2004
Rouvray, Normandie, FRANCE

                 L’orage avait débuté en fin d’après-midi et ne semblait pas vouloir s’apaiser. Un éclat de tonnerre résonna soudain, plus fort, plus terrifiant que les autres parce que plus proche. Alex repoussa les draps. Sans hésiter, elle ouvrit la fenêtre. Dans la même seconde, elle songea aux années où, fillette, elle se serait plutôt réfugiée dans son lit que d’accomplir ce geste. La foudre était tombée non loin du village et se rapprochait à présent du lac, distant de trois kilomètres. La jeune femme regretta de ne pas être sur la berge. Avec la colline au second plan, le spectacle devait être diablement plus mouvementé qu’ici. Pourtant... Pourtant, un aboiement lui rappela que cette musique de pluie torrentielle n’était pas du goût de tous. Apeuré, Joey était allongé sur le matelas, le museau enfoui dans le drap. Alex réprima un fou rire.
« - N’aie pas peur. Tu ne risques rien ! »
Mais un nouveau coup de tonnerre anéantit ses propos. Le fox-terrier blanc s’échappa de son étreinte et se cacha sous le lit. Elle n’arriverait jamais à comprendre pourquoi son chien qui craignait tant l’orage n’hésitait pas, par beau temps, à vagabonder dans la campagne, explorant chaque parcelle de terrain, à la rencontre de tout, ne reculant devant aucun obstacle, quel qu’il fût. Une couleur rosée zébra le ciel qui s’embrasa. Alex sursauta : une détonation avait retenti, faisant trembler le sol. Au bruit, elle sut que les rives du lac avaient été touchées. Et vu les environs, elle était prête à parier un maximum que la malheureuse cible était le Domaine. Un éclair la surprit dans ses réflexions. Quelques secondes après, le tonnerre s’entendit une dernière fois, à proximité du lac avant de s’éloigner peu à peu vers une autre région. La fenêtre fermée, la jeune femme se recoucha, ramenant près d’elle le pauvre Joey, toujours aussi effrayé. Tout en le caressant, elle imaginait les commentaires qui alimenteraient les conversations des habitants le lendemain matin.
                 A son réveil, le soleil était déjà là. Apprêtée rapidement, Alex descendit au rez-de-chaussée. Par la porte-fenêtre, elle perçut une exclamation :
« - Oh ! Voilà notre Parisienne ! »
Cette remarque lui fit arquer les sourcils. Décidément, il n’y avait que Agathe Forrier pour la surnommer ainsi. A Rouvray, où elle avait grandi, elle était restée la petite Alexandra, garçon manqué à ses heures perdues, et tous la considéraient comme étant encore du village. Ils étaient conscients que seule l’opportunité d’un poste intéressant l’avait poussée à s’installer dans la capitale, onze ans plus tôt.
« - Alors, ma chérie, tu as bien dormi ? »
Le regard de la jeune femme s’adoucit en se posant sur le visage ridé de sa grand-mère.
« - Très bien, Nanny. Sauf que Joey n’a pas apprécié l’orage… comme d’habitude. »
Agathe avait montré sa désapprobation au surnom qu’utilisait Alex vis-à-vis de son aïeule. Mais comment le lui expliquer une fois de plus? Pendant la Seconde Guerre mondiale, June Galloway travaillait pour les services secrets britanniques. Parachutée en Normandie, elle avait aidé un résistant à mener à bien une mission de sabotage très délicate. Leur rencontre s’était finalisée par un mariage en 1945 et leur installation à Rouvray. C’était en raison des origines de sa grand-mère qu’Alex lui avait donné ce surnom.
« - Quels sont tes projets ?
  - Aller vers le lac. J’espère que la tempête n’a pas causé de dégâts importants. » répondit Alex. « Oh ! Ne m’attends pas pour le déjeuner ! Ma balade me prendra du temps… et j’essaierai de voir Papi... A ce soir ! »
Elle embrassa sa grand-mère et adressa un petit geste à Agathe. En quittant le jardin, elle entendit celle-ci protester :
« - Comment cette enfant peut vivre à Paris sans aucun problème ? Elle n’est pas assez raisonnable !
  - Alex l’est suffisamment. Et tu peux me croire, elle se débrouille très bien. Elle ressemble tant à son grand-père... »
Alex sourit. Bien sûr qu’elle lui ressemblait ! Comme lui, elle adorait la nature, apprenant à connaître l’environnement et à maîtriser ses pièges... La jeune femme traversa le village fortifié. En ce mois de juin, les touristes étaient nombreux. De loin, elle aperçut un couple. Sabine lui fit un signe du bras qui l’invitait certainement à les attendre. Alex désigna sa montre en esquissant une mimique. Presque aussitôt, elle s’esquiva vers une ruelle à sa droite. Gérard et Sabine, âgés d’une quarantaine d’années, étaient certes sympathiques, mais... collants à son goût, elle qui aimait trop sa liberté. Les Strasbourgeois, en vacances à Rouvray depuis deux semaines, avaient fait sa connaissance dans la boulangerie. Tous trois passionnés par l’histoire, ils avaient eu ensuite de multiples discussions qui se prolongeaient au-delà des repas. Néanmoins, Alex regrettait les longues randonnées qu’elle affectionnait dans la campagne ou la forêt environnantes. Alors, depuis deux jours, elle évitait soigneusement le couple, sachant très bien que cette fuite ne pourrait pas être éternelle. Intérieurement, elle éprouvait des remords à agir de cette façon. Seulement, ses propres vacances s’achevaient dans deux semaines et demie et elle voulait plus que tout en profiter.
                 Précédée par Joey, Alex avança dans la rue pavée. Les remparts lui procuraient une ombre appréciable. Elle grimpa quelques marches et parvint sur la promenade. Elle s’accouda, face aux prés. Après le violent orage de la nuit, le ciel était d’une parfaite limpidité, renforcée par la présence d’un soleil éclatant. La nature ne semblait pas avoir souffert. En tout cas, ici, rien ne transparaissait. Le regard de la jeune femme se porta plus loin, sur sa gauche. Des toits masquaient son objectif. Songeuse, elle se demanda quels préjudices la tempête avait pu causer là-bas, sur ce terrain qu’elle considérait presque à elle, sur cette terre mystérieuse qu’elle aimait...
« - N’oublie pas de bouger... ou l’on va te retrouver là dans cent ans, ma belle ! »
En même temps, une main se posa sur son avant-bras, une main dotée de callosités. Alex se tourna et sourit.
« - Et toi, tu te promènes ? Pas étonnant que notre courrier arrive si tard ! » lança-t-elle, malicieuse.
Clément lui rendit son sourire, conscient de la boutade.
« - Oh! Détrompe-toi: j’m’en vais porter ces lettres, moi! Je travaille! Pas comme ces vacanciers... »
Elle vit le paquet que le facteur brandissait. Et le reste ? Avait-elle reçu... ? Les traits de l’homme s’éclairèrent davantage en devinant ses pensées. Il voulut la faire languir un peu. Puis il se souvint de sa jeunesse, de sa rencontre avec Mathilde. Il fouilla dans sa sacoche.
« - Tiens, je crois que cette publicité est pour toi ! »
Il lui donna en fait une carte postale.
« - Que fais-tu aujourd’hui ?... Henri est au cloître. Les religieuses ont eu des dommages.
  - Importants ?
  - Des ardoises qui sont parties, une barrière abîmée... Oh ! Cela aurait pu être pire! Mais tu connais ton grand-père !
  - Le cœur sur la main et constamment prêt à aider ! »
La fierté s’entendait dans la voix d’Alex, admirative depuis son enfance à l’égard de son aïeul.
« - Il m’a chargé de te dire, si je te croisais, que tu fasses bien attention si tu vas en forêt... Sois prudente ! Les gardes forestiers n’auront pas le temps de tout voir dans la journée.
  - Non, ne t’inquiète pas ! Je n’irai pas là-bas : j’ai d’autres projets. Et Joey est avec moi. Que veux-tu qu’il m’arrive ? Tu sais également que je connais la région comme ma poche ! »
La jeune femme surprit l’anxiété sur le visage de son compagnon. Oui, bien sûr, elle n’était pas réputée pour faire preuve d’une grande sagesse.
« - Promis. Tu verras... Allez, je vais te laisser ou Nanny va encore râler contre son hebdomadaire qui arrive trois semaines en retard!» répliqua-t-elle, en plaisantant. «Pour ma part, je continue ma promenade en lisant ma... publicité… Merci et à plus tard!... Bon courage!»
Clément la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle eût franchi la petite poterne qui permettait de quitter la ville, là, au pied de ce rempart... Cette enfant de trente-deux ans ne changeait pas au cours des années : toujours aussi impétueuse, aussi rêveuse… Plongé dans ses pensées, l’homme se dirigea vers le presbytère où son ami ecclésiastique l’accueillerait avec un bon cidre.
                 Empruntant le chemin communal, Alex lut sa carte. « Mon amour, tout se déroule à merveille. Serai là comme prévu. Réserve-moi quelques folies : j’arrive! JTM. Chris. »
Plus qu’une semaine et un jour à tenir et son attaché culturel préféré serait ici pour passer ses vacances avec elle. Les contraintes du métier de Chris l’avaient conduit ces derniers mois en Asie et il officiait actuellement en Inde. Plusieurs retours en France avaient entrecoupé leur séparation, mais ce n’était pas suffisant. Ses fous rires, son esprit cartésien opposé au sien, tout de son être lui manquait terriblement. Différents l’un de l’autre, ils s’entendaient parfaitement, riant ensemble de leurs idées contraires. Ils avaient aussi des points communs : leur goût pour l’histoire les avait rapprochés. Rester une semaine à Rouvray ne dérangeait donc pas Chris, fasciné par les vieilles pierres. Cette même passion qui animait Alex... Un sourire effleura ses lèvres. Elle s’approchait justement de son lieu de promenade favori.
                 Utilisant des sentiers non signalisés, elle n’avait mis qu’une trentaine de minutes pour parvenir au lac. Sur les berges, la jeune femme jeta un regard circulaire. Non, elle n’apercevait aucun dégât. Oh ! Si ! Quelques branches cassées, des roseaux soufflés, une rambarde de l’embarcadère qui était tombée mais c’était tout. Soulagée un instant, Alex songea que l’orage s’était surtout approché du Domaine. Qu’en était-il de ce site magique ? Prenant garde à ne pas glisser sur le sol encore boueux, elle progressa aussi vite qu’elle le pût. Dès qu’elle aurait contourné ce bosquet, un premier aperçu s’offrirait alors à elle. Son cœur se serra à la vue de la cabane dont elle s’approchait. La construction faite de matériaux divers avait terriblement souffert de la tempête : son toit pendait lamentablement. Alex saisit une planche pour consolider l’une des parois. Au moment d’en prendre une seconde, elle arrêta son geste. Des mégots, une boîte d’allumettes gisaient par terre. Quelqu’un avait attendu là, surpris par les éclairs. L’inconnu fumait même du tabac brun à en juger par les restes. Perplexe, la jeune femme fronça les sourcils. Consciente qu’un fait la tracassait, elle ne parvenait pas à savoir lequel. Qu’était-ce ? Où était le problème ? Son regard se posa sur Joey qui furetait un peu partout puis, de nouveau, sur les déchets… Bonté divine ! Oui... Leur nombre !... Il y en avait plus d’une vingtaine... tous semblables et qui n’étaient pas ici le matin précédent. La tempête n’avait été très intense que l’espace d’une heure. L’homme n’avait pas eu la possibilité de fumer tant de cigarettes, sans compter le temps passer à rouler le papier et à y insérer le tabac. Il était demeuré là longtemps… plus longtemps que nécessaire si, à l’origine, il était venu s’y abriter. La cabane n’avait aucun attrait : il n’y avait même pas un banc pour se reposer. A la vue de ces mégots, l’individu n’avait eu d’autre préoccupation que celle de fumer et d’attendre, d’attendre... Pourquoi ?... Ou bien, en fumant tant, que faisait-il dans ce lieu désert ?
                 Intriguée, Alex poursuivit sa promenade, Joey devant elle, comme à son habitude. Quel était le but de l’étranger? Il n’était pas un pêcheur, pas un chasseur non plus ; la chasse était interdite. Pas un randonneur: ils étaient si rares. De plus, les services météorologiques avaient averti de l’orage très violent. A moins d’être fou, personne ne serait sorti par ce temps. Pas un baigneur : la seule crique où l’on pouvait nager sans danger grâce à l’absence des roseaux était située au moins à cinq cents mètres d’ici. Et, même réflexion, il aurait été bien insensé de se baigner la veille par un temps pareil. L’énigme persistait... La jeune femme parvint à un croisement. A gauche, elle rejoindrait le chemin principal conduisant ensuite à la route nationale; à droite, le sentier la mènerait jusqu’au Domaine... Sans hésiter, Alex bifurqua par là. Elle s’arrêta : Joey grognait. Elle s’approcha de lui. Il avait trouvé un mégot du même genre que ceux la de cabane. Mais un mégot parfaitement sec, récent. L’inconnu était de retour. Alex réalisa qu’elle se trompait : LES inconnus étaient là. Deux traces différentes de pas étaient visibles dans la terre. Vu le sens, les hommes s’étaient dirigés vers le Domaine et n’étaient pas revenus. Or, comme cette voie était l’unique accès connu à la propriété, elle allait immanquablement les croiser à un moment donné. Un sixième sens lui disait aussi que la rencontre était inappropriée. Tous ces bouts de cigarette laissés ici l’inquiétaient. Que signifiait la présence de ces individus ? Enfin, une pointe de jalousie parsemait son esprit et son cœur. Le Domaine était inhabité depuis si longtemps qu’Alex le considérait comme à elle. Personne n’allait plus là. Caché dans la forêt, il était donc invisible depuis la route nationale. Quelques férus d’histoire étaient venus le voir, pas le visiter : les entrées étaient inaccessibles. Par ailleurs, les rares guides touristiques qui le mentionnaient le décrivaient comme tellement détruit et si marqué par la fatalité que nul n’avait envie de s’y approcher. Tout en regrettant ce manque d’intérêt, Alex se consolait en sachant que cela lui permettait d’y aller à sa guise, sans être abordée. Un coup de tonnerre l’interrompit dans ses pensées. Encore ! Cependant, le ciel était bleu, non, gris. Le temps changeait... Elle regarda Joey, persuadée de la peur qui l’envahissait. Toutefois, ses poils hérissés ne démontraient pas seulement sa crainte. Son chien fixait le virage suivant du chemin. En une fraction de seconde, la jeune femme comprit la raison de son attitude. Elle saisit Joey et descendit vers le talus. Elle maudit la pluie qui avait inondé la berge. Si elle était masquée, ses chaussures étaient dorénavant trempées. Un instant, elle se traita de folle. Qu’allaient lui faire ces hommes ? Rien... Elle se promenait... Mais le comportement de l’un d’eux était trop déplaisant. Alex se redressa un peu. Des bruits de voix étaient perceptibles. Les inconnus s’approchaient. Avec précaution, elle bougea une branche de manière à les apercevoir lorsqu’ils seraient là. Ce qui ne tarda pas. L’un avait une soixantaine d’années ; l’autre, barbu, dix ans de moins. Elle ne les avait jamais vus. Le deuxième tentait d’allumer une cigarette. En fermant son blouson, l’aîné prit la parole :
« - La tempête n’a rien changé... J’espérais que nous aurions plus de chance !
  - Quoi ? Tu trouves que nous avons eu des résultats depuis notre arrivée ? » répondit son compagnon, avec un accent qu’Alex ne put déterminer sur-le-champ.
  - Non, justement ! Olaf, cette baraque garde trop son secret... Ou il faudrait tout démonter !
  - Ce serait peut-être la seule solution !... Tu imagines, depuis ces années, personne n’a rien trouvé... »
L’homme s’était arrêté pour prendre un second briquet. Son ami répliqua :
« - Je sais : tous les documents sont formels.
  - Tu vois... Allez, on n’abandonnera pas comme çà. Je tiens à poursuivre. Nous amasserons une sacrée fortune si nous parvenons à atteindre notre but ! »
Il y eut un silence. Le dénommé Olaf frotta son menton. Il alluma sa cigarette. Tirant une bouffée, il rétorqua :
« - Et ce sera notre secret ! »
Les deux complices s’esclaffèrent. A grandes enjambées, ils s’éloignèrent, en allant tout droit pour rejoindre la route nationale et, sans doute leur voiture. Qui étaient-ils ? Olaf devait être natif de la Scandinavie, d’où son prénom et son accent. Et l’autre ? Lui était Français, semblait-il. Des interrogations subsistaient sur leur identité... Par contre, les motivations qui les menaient jusqu’au Domaine, Alex les connaissait à présent. Elle tenta de se dominer. En vain : sa rage était plus forte. Pour essayer de se contenir, elle ferma les poings.

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