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Dominique Letellier, auteur
















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LA RECHERCHE

Le texte présenté sur ce site n'est absolument pas définitif.
Tous les chapitres de ce roman sont en cours de réécriture.


Chapitre 2


                 «- Lauren, vite, réveille-toi... Lauren...»
La jeune femme grogna; quelqu’un lui secouait le bras sans réel ménagement. Emergeant de son rêve, elle ouvrit un œil puis le second. Elle reconnut Michel. Totalement réveillée, elle lut les aiguilles de l’horloge: cinq heures trente. Furieuse d’être ainsi tirée de son sommeil, elle invectiva l’adolescent:
«- Mais que fais-tu ici? Va te recoucher immédiatement! Nous aurons une belle explication tout à l’heure, tu verras!
  - Lauren, s’il te plaît!» supplia Michel.
Il s’agenouilla.
«- Lauren, j’ai besoin de toi!»
Le visage agité, il ajouta:
«- Viens... Ils l’ont tué!»
Eberluée, elle le dévisagea. Enfin, la jeune femme retrouva sa voix.
«- Où? Qui a tué qui? Quand? Pourquoi?
  - Hé, pose pas tant de questions! J’sais pas tout, moi!
  - Alors, dis-moi pourquoi tu viens me réveiller à cette heure-là?» reprit-elle de mauvaise humeur.
  - L’étranger... Celui de l’autocar... Il s’est battu avec des types là-haut sur la colline. Ils l’ont frappé... Et puis, il a pas répondu quand je lui ai parlé... les autres partis... Mais ils vont revenir; ils l’ont dit...»
Le cerveau de Lauren s’embrouilla davantage. Il lui manquait, pour comprendre, plusieurs éléments dont la raison de la présence de Michel et de l’homme dans les Alpilles si tôt le matin mais, repoussant à plus tard ses questions, elle interrogea, fébrile:
«- Il est mort ou seulement assommé?
  - Je te dis que j’sais pas... Il m’a pas répondu... mais il a besoin d’aide... Quand j’ai vu qu’il ne réagissait pas, j’ai pas su quoi faire... Alors, j’ai préféré venir te voir!
  - Oui, à cinq heures et demie du matin!» ne put-elle s’empêcher de rétorquer.
Fronçant les sourcils, Michel se redressa.
«- Tu viens pas alors?»
Lauren réfléchit, désemparée. Elle pensa à l’inconnu, blessé ou mort, qui gisait quelque part dans la montagne. L’instant d’après, elle revit le Canadien, la veille, dès sa descente de l’autocar, au café, puis demandant, gêné, à lire les journaux. Sa propre curiosité revint aussi. Elle prit alors sa décision immédiatement.
«- Laisse-moi cinq minutes et je t’accompagne.»
L’adolescent sourit et la remercia du regard. La jeune femme se prépara dès son départ de la chambre et fourra, à la hâte, une petite trousse à pharmacie dans son sac. Lauren et Michel quittèrent ensuite sans bruit la maison.
                 Vers les Alpilles, l’aube commençait à pointer. Les rues, la place étaient désertes. Le village se réveillerait seulement dans une heure. Les deux amis laissèrent bientôt Aubégnac derrière eux. Abandonnant la route départementale, Michel s’engagea dans un chemin empierré qui conduisait, en virage, jusqu’au haut de la colline.
«- Il n’est pas loin de la bergerie.» expliqua-t-il.
La vieille bâtisse en question se trouvait à une quinzaine de minutes de marche. Cette construction, de taille moyenne, aux murs de pierre avait, jadis, servi de refuge aux bergers de la région. Mais le temps et les intempéries en avaient eu raison. Certaines planches de bois couvrant le toit manquaient; une cheminée s’était effondrée. Maintenant, la bergerie n’était plus habitée que ponctuellement par des campeurs ou par les adolescents d’Aubégnac durant les vacances. Lauren se tourna vers Michel.
«- A présent, tu vas m’expliquer ce qui s’est passé et ce que tu faisais dehors si tôt ce matin!»
Le frère de Marina vit le regard de la jeune femme et comprit qu’elle exigeait une réponse claire. Sans broncher, il s’exécuta tout en avançant. Intrigué sans qu’il n’en perçût la raison précise depuis qu’il avait fait la connaissance de l’homme, Michel l’avait revu, dans le village, au cours de l’après-midi. Discrètement, l’adolescent avait pisté l’inconnu, utilisant des chemins détournés. Vers seize heures trente, soit après son passage à la bibliothèque de l’école, nota Lauren, le Canadien était allé vers la garrigue. Il s’était arrêté quelques instants dans la bergerie. Puis, muni d’une carte de la région, l’étranger s’était aventuré vers la Vallée Maudite. Près du précipice, il avait examiné le sol. Avec précaution, il était descendu vers les gorges, s’agrippant aux arbustes. Une trentaine de minutes plus tard, l’inconnu était remonté, en maugréant, apparemment sans avoir trouvé ce qu’il cherchait. Il avait cependant continué à fureter un peu partout. Deux heures après, de retour au village, l’homme s’était installé à une table sur la terrasse du café. Michel, de loin, avait alors remarqué qu’un autre individu avait prêté une attention particulière à l’étranger, mais sans toutefois l’aborder. Avec regret, l’adolescent avait regagné la maison de sa sœur à cause de l’heure tardive. Le matin venu, réveillé à l’aurore, Michel s’était levé, se promettant d’être revenu avant que Lauren ne s’aperçût de son escapade. Près de la bergerie, il avait aperçu le Canadien. L’inconnu s’était dirigé ensuite vers la Vallée Maudite. Michel le suivait lorsque trois hommes, venant du chemin conduisant au défilé, avaient surgi brusquement. Avec surprise, l’adolescent avait reconnu le plus grand: celui qui semblait surveiller le Canadien en fin d’après-midi. Effrayé par la tournure inattendue des événements, Michel s’était dissimulé derrière un gros rocher, des branchages lui permettant d’assister à une scène étrange. Sur un signe de leur compagnon, les deux individus avaient saisi brutalement le Nord-Américain, le maintenant par les bras. Malgré sa haute taille, l’homme n’avait pas réussi à se dégager.
«- Que voulez-vous? De l’argent?» avait-il interrogé d’un ton sec.
Celui qui semblait être le chef avait lancé:
«- Non, il ne m’intéresse pas! Je veux seulement que tu me répondes... Si ta réponse me satisfait, tu pourras repartir tranquillement... Où est Williams?»
Il y avait eu alors un silence, court, mais pesant. Le Canadien avait répliqué vivement:
«- ... Je ne connais personne de ce nom... Je suis ici en vacances!
  - En vacances? Quelle bonne blague! Nous aussi, nous sommes en promenade dans ce coin perdu...» avait dit l’un des individus, brun, de taille moyenne, assez corpulent, et portant une petite moustache.
Le troisième homme, de taille moyenne également, mais blond, et au faciès encore plus inquiétant, avait sorti un revolver et l’avait pointé sous la gorge de l’inconnu. Ce dernier, sans paraître impressionné, avait répété:
«- Je ne connais pas de... Williams... Pourquoi le devrais-je?
  - C’est cela! Williams disparaît, toi, tu apparais brusquement et tu ne le connais pas alors que vous êtes tous les deux Canadiens... Mais ton accent te trahit, mon vieux!» avait repris l’individu blond en appuyant davantage sur le canon.
  - Cela suffit, Roland!… Jérémy, ses papiers...»
Le troisième complice, moustachu, avait fouillé les poches du jean de l’étranger: elles étaient vides. Le chef avait riposté:
«- Nous t’avons vu arriver au village... Comme Williams, tu as fouiné un peu partout... Que sais-tu? Que t’a-t-il dit? Où est-il?
  - Je suis réputé pour être têtu mais cela est un domaine où vous me dépassez largement en la matière!» avait répondu le Canadien, ironique, soutenant le regard de l’homme. Martelant ses mots, il avait rétorqué:
«- Mettez-vous dans le crâne que je ne sais rien, ab-so-lu-ment rien!»
A cette réplique, Roland lui avait porté un coup au menton. Puis le chef avait annoncé:
«- Je dois rendre des comptes... Mais après, tu parleras. Roland se fera un plaisir à t’aider à retrouver la mémoire... Roland?»
L’individu avait assommé avec sa crosse l’inconnu qui s’était affaissé sur le sol.
«- Laissons-le là. Personne ne vient jusqu’ici et il ne se réveillera pas de sitôt... Allons à Aubégnac... Je dois téléphoner... Nous reviendrons après...»
L’adolescent se tut après son récit. Brièvement, il ajouta:
«- Ils ne m’ont pas vu en passant; j’étais bien caché… Je suis allé voir l’homme, mais il n’a pas bougé...»
Sur le chemin raide, Lauren s’arrêta pour reprendre son souffle. Elle regarda Michel. Devant toutes ses explications, sa colère était tombée. La situation devenait de plus en plus étrange et complexe. Que signifiait à Aubégnac la présence de ces trois individus? Qui était ce mystérieux Williams qui avait disparu? Un lien existait-il, oui ou non, avec l’étranger? Les questions se bousculaient dans sa tête. La jeune femme décida de ne pas laisser transparaître ses inquiétudes. Avec un sourire, elle répondit:
«- Tu as bien fait de me réveiller... Ne te fais pas de souci maintenant... Tout va s’arranger... Allez, remettons-nous en route. N’oublions pas qu’ils vont revenir bientôt.»
                 La main sur l’épaule de l’adolescent, Lauren poursuivit sa marche. Michel demeura silencieux. Il se demandait comment aurait réagi sa sœur si elle s’était trouvée présente. Courageuse, mais moins téméraire que son amie à sa façon, serait-elle venue sur les lieux de l’altercation? Il préféra ne pas se poser d’autres questions et continua d’avancer. Deux kilomètres plus bas, le village s’étendait à leurs pieds. A droite, sur son piton, le château fort d’Aubégnac dominait la plaine avec le village d’un côté et, de l’autre, la Vallée Maudite. Lauren et Michel empruntèrent peu après le chemin de sable et de pierre qui descendait sur l’autre versant de la colline. A cinq cents mètres, sur leur gauche, ils pouvaient apercevoir, parmi le feuillage, la vieille bergerie. La piste qu’ils allaient prendre conduisait vers la Vallée Maudite et ses ravins. Sans bruit, ils parvinrent à un gros rocher qui masquait en partie la vue.
«- Il est derrière.» chuchota Michel.
Avec prudence, Lauren s’avança, imitée par l’adolescent. Contournant la pierre, elle aperçut l’inconnu. Le visage face à terre, il était demeuré, allongé sur le sol, à l’opposé du précipice. La jeune femme alla jusqu’à lui. Aidée par Michel, elle le retourna avec précaution. Elle saisit aussitôt son pouls.
«- Il vit encore.» constata-t-elle bientôt, soulagée.
Elle amena un mouchoir imbibé d’alcool sous les narines de l’homme. Sous l’effet du produit, il reprit peu à peu conscience. Il remua légèrement et, quelques secondes plus tard, ouvrit les yeux. Etonné, il reconnut Lauren et Michel. Portant la main à sa tête, il essaya de se relever. Mais, encore sous le choc, il se contenta de s’asseoir, sur le sol, en s’adossant à la paroi.
«- Que faites-vous là?
  - Michel vous a suivi.» expliqua Lauren. «Il a assisté à la dispute que vous avez eue avec ces individus... Quand ils vous ont assommé et que vous êtes resté sans connaissance, Michel est venu me prévenir... Il vous croyait mort!
  - Dieu merci, non.» répondit l’homme avec un sourire crispé. «Merci à vous deux.»
Il s’adressa alors à l’adolescent:
«- C’est donc toi que j’ai entendu tantôt(1) près de la bergerie.»
A ces paroles, Michel grimaça, vexé d’avoir été remarqué, en dépit de ses précautions. Après un court silence, le Canadien se releva. Il tendit la main à Lauren puis à son compagnon.
«- Merci encore... Je me nomme David Lévesque.
  - Lauren Heullant... Michel est le frère de Marina, mon amie institutrice.»
Elle hésita un dixième de secondes.
«- Que comptez-vous faire à présent?... Il faudrait partir d’ici rapidement... Vous devriez même quitter le village... Ces hommes vont revenir.»
David esquissa une moue. Regardant la jeune femme, il rétorqua:
«- Je dois reprendre mon sac à la bergerie... Mais je ne peux pas et... je ne veux surtout pas partir d’ici sans... sans avoir trouvé ce que je suis venu chercher!» ajouta-t-il.
D’un pas peu sûr au début, puis de plus en plus ferme, David se mit en marche, accompagné par Lauren et Michel. Ils retournèrent en arrière. Arrivés au croisement des deux chemins, ils prirent celui de droite, caillouteux et bordé de ronces.Quelques minutes plus tard, ils arrivaient à la bâtisse qui était davantage en ruine depuis que Lauren l’avait vue.
                 La veille porte en bois paraissait tenir par un miracle, grâce à un gond seulement. David l’ouvrit. Il pénétra à l’intérieur et poussa un juron. La bergerie avait été saccagée. Les planches qui faisaient office de table et de chaises avaient été brisées, un vieux sommier retourné. Plusieurs vêtements masculins traînaient à terre et un sac de voyage gisait, vidé de son contenu.
«- Il semble qu’ils n’aient pas vraiment trouvé ce qu’ils cherchaient!» réussit à articuler Lauren, effarée par le désastre causé par la fouille poussée et sauvage.
David alla immédiatement jusqu’à la cheminée. Il tira à lui une brique et, de la cachette, en retira un portefeuille.
«- Heureusement que je l’ai dissimulé ici.»
S’adossant à l’encadrement du foyer, il leva les yeux. Le visage grave, il rectifia alors les propos de la jeune femme:
«- Ils ne cherchent pas quelque chose, Lauren... Ils cherchent quelqu’un... et je crains fort que cela ne soit pas pour discuter bien gentiment avec lui dès qu’ils l’auront retrouvé... Il doit savoir apparemment quelques faits qui m’échappent totalement mais, pour ces hommes, il en sait beaucoup trop et ils n’hésiteraient pas à le tuer, j’en ai la triste conviction!»
Avec difficultés, Lauren parvint à maîtriser son émotion.
«- Le tuer? Et pourquoi? Que sait-il?... Et qui est ce fameux Williams? Le connaissez-vous ou réellement non?»
David ramassa ses affaires et mit le tout dans son sac sans aucun rangement. Il se releva et observa, de nouveau, la jeune femme.
«- Vous n’allez peut-être pas me croire mais je ne sais pas grand-chose, Lauren... Ce que je sais, en revanche, est que ce Williams qu’ils recherchent, s’appelle en fait Stephen Williams... Il est Canadien, comme moi, et il est mon meilleur ami... Il y a deux jours, Stephen m’a téléphoné chez moi, à Montréal. Il m’a laissé un message étrange à transmettre à quelqu’un... que je n’ai pas réussi à joindre d’ailleurs... Alors, inquiet, trop inquiet au sujet de Stephen dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis quelque temps et qui resurgissait ainsi brusquement pour me donner un message plutôt incompréhensible, j’ai décidé de me rendre à Aubégnac pour en savoir plus et pour le retrouver...
  - Et, finalement, vous ne l’avez pas vu au village.» dit Lauren, en affirmant ses propos.
La bonne foi de David était évidente. Son amitié pour Stephen, son angoisse à son sujet l’avaient conduit à entreprendre ce long voyage depuis le Canada jusqu’au petit village méditerranéen. Le mensonge qu’il avait exprimé face aux trois individus de ne pas connaître son ami, n’avait eu pour but que de protéger encore quelques heures Stephen. A présent, son inquiétude n’avait pas diminué par rapport à la veille. Son soulagement après sa visite à la bibliothèque avait totalement disparu, au contraire, après sa rencontre du matin.
«- Non... Et que ces hommes le recherchent de cette manière me donne des craintes supplémentaires.» continua David.
  - Hé! Les voilà!» s’écria Michel en apparaissant sur le seuil de la porte. «Je les ai vus se diriger vers la Vallée Maudite.»
Le Québécois réfléchit puis répondit posément:
«- Laissons-les s’éloigner un peu... Nous partirons alors de là... Existe-t-il un autre chemin pour regagner rapidement le village?
  - Oui, mais non balisé!» dit Lauren, avec dépit.
  - Mais je le connais bien! Il m’arrive de le prendre! Il n’y a pas de problème... Nous reviendrons vite à Aubégnac!» assura Michel que cette aventure enchantait.
  - C’est correct(2)! Nous te suivons...» répliqua David, en prenant son sac.
                 Ils s’empressèrent de quitter les lieux. Ils descendirent le chemin au sol inégal. Alors qu’ils parvenaient au bas de la colline, ils entendirent un cri. Instinctivement, Lauren se retourna. Les individus étaient déjà de retour. L’absence de David les avait fait revenir vers la bergerie immédiatement. Du sommet, ils avaient aperçu deux des trois fugitifs. Lauren vit une lumière briller. Interrogative une seconde, elle réalisa ensuite que l’un d’eux possédait des jumelles. Et, maintenant, les hommes savaient que le Canadien n’était pas seul, qu’une villageoise, au moins, l’avaient aidé. Elle comprit son erreur. L’inconnu avait vu son visage. En posant habilement des questions aux habitants, il lui serait aisé de savoir à qui appartenait ces traits à Aubégnac. Il retrouverait alors facilement sa trace.
                 Les jeunes gens coururent sur le terrain plat. Se cachant momentanément derrière des rochers, ils s’arrêtèrent pour reprendre leur souffle. Lauren exposa sa découverte et, surtout, sa bévue. Sans lui faire de reproche, David constata seulement:
«- Le plus dommage, et le plus ennuyeux pour vous, c’est qu’il serait dangereux présentement(3) de retourner chez vous! Ils vous retrouveront très aisément en effet... Aubégnac n’est pas un grand village.
  - J’ai été stupide.» lâcha Lauren, fâchée contre elle-même. «J’aurais dû me méfier davantage.»
Après un silence, elle interrogea l’homme:
«- Qu’allez-vous faire maintenant?
  - Dans son message, Stephen m’a parlé d’un château proche d’ici.
  - Le château d’Aubégnac est à deux kilomètres du village.»
Lauren réfléchit puis proposa:
«- Je vais vous accompagner! Je connais très bien la région.
  - Je viens avec vous moi aussi.» intervint Michel.
  - Non... Marina rentrera certainement vers midi. Quelqu’un doit l’informer de ce qui se passe ici... Tu iras chez l’un de tes copains. Trouve un prétexte. Tu veilleras le retour de ta sœur et tu lui expliqueras tout... Nous serons d’ailleurs peut-être revenus avant elle.» conclut Lauren.
Le garçon adressa un regard furieux à la jeune femme. Pressentant l’orage, David posa sa main sur l’épaule de Michel.
«- Lauren a raison... Ta sœur courrait de trop grands risques... Quelqu’un doit la prévenir.»
A contrecœur, l’adolescent hocha la tête. Tous trois reprirent leur course effrénée. A sept heures quinze, ils parvenaient à l’entrée d’Aubégnac. Quelques véhicules circulaient dans le village. Des commerçants ouvraient les grilles des magasins. Michel décida d’attendre le retour de sa sœur dans leur garage.
                 Pendant que David guettait près du jardin, Lauren alla chercher la pochette qui contenait ses papiers. D’un pas rapide, elle rejoignit le Canadien.
«- Avant d’aller au château, ne voulez-vous pas avertir la gendarmerie?»
Il se frotta le menton.
«- Non... Pour le moment, je ne préfère pas... J’aimerais d’abord retrouver Stephen. Quand il m’aura expliqué ce qui se passe, nous agirons alors en conséquence... Peut être, d’ailleurs, le verrons-nous au château!»
Il y eut un bref silence et il questionna:
«- Quelle est la meilleure manière pour se rendre là-bas?
  - Une route départementale y conduit. Mais s’ils possèdent une voiture, il vaut mieux éviter de la prendre. Sinon, il existe deux chemins. Le premier passe par la Vallée Maudite. Nous en étions près tout à l’heure mais cela est aussi le plus dangereux à cause des éboulements de terrain... Le deuxième mène à travers la garrigue et il n’est pas si long que cela!
  - Prenons celui-là alors.» décida David.
                 A la hâte, ils sortirent du village. Aux côtés de son compagnon, Lauren pensa à nouveau aux événements de la veille et à ceux survenus durant les premières heures de la matinée. Depuis hier, les faits avaient surgi et ne cessaient de se dérouler dans une certaine suite logique mais incompréhensible pour elle. La jeune femme jeta un regard à l’homme. Lui non plus ne possédait pas la clé de l’imbroglio auquel il se trouvait être mêlé. La seule différence était qu’il connaissait son ami qui était l’un des protagonistes de cette histoire étrange. La curiosité naturelle de Lauren, le désarroi, malgré tout évident, de David, sa propre erreur lors de leur fuite précédente avaient conduit la jeune femme à continuer d’aider le Canadien. Pour la première fois depuis le matin, elle se demanda réellement jusqu’où cette entreprise la mènerait. Mais elle n’eut pas le temps de se poser d’autres questions.
                 Déjà, ils arrivaient au pied de la colline. Ils traversèrent la route. Sur leur gauche, un chemin escarpé, peu carrossable, montait vers le château, celui-ci demeurant dissimulé par les arbres.
«- C’est la seule façon pour parvenir aux ruines... Grimper à travers la forêt est beaucoup trop ardu à cause de la pente très inclinée et des gros rochers existant çà et là... Près du château, il y a une petite boutique. Les billets d’entrée, les cartes postales et des livres y sont vendus... en dépit des très rares visiteurs qui viennent jusqu’ici...»
David qui examinait le sol, à l’entrée du chemin, releva la tête. Dubitatif, il dévisagea Lauren.
«- Rares? Il y a pourtant des traces d’huile ici.»
Par acquit de conscience, il trempa un doigt dans la flaque et renifla l’odeur. En grimaçant, il reprit:
«- Aucun doute: une automobile est passée ici très récemment.»
La jeune femme effectua quelques pas en direction du château.
«- David, venez voir! Il y a des marques de pneus... Un violent orage a éclaté il y a deux nuits. De l’eau est encore présente dans cette ornière.
  - N’avez-vous pas dit que les touristes n’étaient pas nombreux? Ceci nous porte vraiment à penser le contraire!
  - Cela est vrai... La municipalité d’Aubégnac ne fait rien pour les encourager à venir jusqu’au château... Mais ce qui est curieux, c’est que le véhicule semblait chargé, d’après la profondeur des traces. Or, aucune voiture, justement chargée, ne passe par cette piste. Personne ne vit ici. Et, là-haut, il n’y a pas de ventes de boissons, donc pas de lourdes caisses de bouteilles pleines à amener là-bas.»
Après un silence, déconcertée, Lauren demanda:
«- David, quel est le lien entre Stephen, ces individus, l’homme mort dans la Vallée Maudite, le château et ce véhicule chargé?»
Le Canadien ne releva même pas l’allusion à la victime dont il n’avait pas parlé. Il esquissa un geste évasif.
«- Aucune idée... Je ne comprends pas... La relation entre Stephen et tout ce qui se passe ici... Mais, crois-moi, Lauren, si je le savais, je te le dirais... Je vous le dirais.» se reprit-il, en la vouvoyant, de nouveau, après avoir adopté un instant le tutoiement familier des Canadiens francophones.
Pour le mettre à l’aise, Lauren répéta avec un léger sourire:
«- Tu, cela n’est pas plus mal... Puisque nous sommes amenés à enquêter ensemble pendant quelque temps.»
Les traits de David s’éclairèrent.
«- Entendu... Quand nous serons là-haut, je t’expliquerai ce que je sais...»

(1) «Tantôt» (expression québécoise) = «Tout à l’heure»
(2) «C’est correct» = «D’accord»
(3) «Présentement» = «Maintenant»

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